Philippe Lamour (Landrecies 1903 - 1992)

Contrairement à ce que pensent beaucoup, Philippe Lamour n'est pas un homme du Sud mais un homme du Nord : il naît à Landrecies en 1903 au sein d'une famille paysanne. Trop jeune pour participer à la première guerre mondiale, Philippe est libre de poursuivre ses études et d'obtenir le baccalauréat en 1918. Il se lance alors dans des études de droit car il ambitionne de devenir avocat.

Du fait de sa nature volontariste et énergique, il y parviendra sans trop de difficultés : dès 1924, à vingt ans, il est avocat stagiaire. On se souviendra, durant l'entre-deux guerres, de sa participation à quelques grands procès d'assise, notamment à la fameuse affaire Stavisky au milieu des années 30. C'est vers cette même époque qu'il rencontre sa femme, Geneviève. Parallèlement à sa carrière d'avocat, il exercera souvent une activité occasionnelle de journaliste.

1924 : Philippe est avocat stagiaire

Son goût pour le journalisme va notamment le rattraper pendant la guerre d'Espagne (1936-1939). Il décide de partir là-bas en tant que grand reporter, et de suivre l'évolution du conflit aux côtés des Républicains. Philippe Lamour ne cessera alors de dénoncer le drame en train de se jouer dans ce pays, ainsi que la passivité coupable des démocraties occidentales.

L'ascension d'Hitler, en Allemagne, l'inquiète aussi énormément. Il sera un des rares hommes lucides à se prononcer pour une intervention immédiate contre la dictature naissante, au risque de passer pour un belliciste. Ses avertissements resteront bien sûr lettres mortes : en mai 1940, c'est l'invasion de la moitié nord du territoire français. Philippe Lamour et sa famille se réfugient dans une de leurs propriétés située en zone libre, baptisée "Le mas de la perdrix", près de Marseille. Pendant les quelques années de la guerre, les Lamour seront agriculteurs et cultiveront leurs terres pour s'assurer un revenu minimum.

Philippe Lamour au mas de la perdrix, pendant l'occupation

La fin de la guerre marque le début du véritable envol pour Philippe Lamour. Il exercera à cette époque plusieurs activités en parallèle. Il se lance tout d'abord dans le syndicalisme agricole : peu après la fin de la guerre, il est élu à la tête de la Confédération générale de l'agriculture, et lance ses partisans à l'assaut des pouvoirs publics, réclamant davantage de moyens et de considération pour les agriculteurs. Ses réclamations seront entendues : en 1946, Philippe Lamour est fier de piloter la première moissonneuse-batteuse de France. La révolution agricole est en marche.

Cette activisme syndical ne l'empêche pas d'assurer des fonctions importantes au sein de l'Etat : à la Libération, on le nomme commissaire adjoint de la République, ce qui lui permet de collaborer avec Jean Monnet à la reconstruction du pays. C'est sous ce titre qu'il a l'idée de créer la toute première des "appellations d'origine contrôlée" : en 1947, avec la participation de Tanguy-Prigent, ministre de l'Agriculture, il fonde en effet la catégorie des vins de qualité supérieure.

Ce n'est que dans les années 50 et les années 60 que Philippe Lamour réalise la grande oeuvre de sa vie : l'aménagement du territoire dans le Languedoc et les Alpes du Sud. Ses réalisations, qui ont changé le visage de plusieurs régions, sont innombrables. On peut retenir entre autres la maîtrise de l'hydrologie dans le Sud-Est, l'assainissement des côtes marécageuses du Languedoc, l'aménagement agricole de la Camargue (notamment le développement des cultures rizicoles)... Autant d'éléments qui font de lui le patron de l'aménagement du territoire dans tout le Midi, et qui lui font côtoyer les plus grands : il est l'interlocuteur privilégié du général de Gaulle lors de l'inauguration de la station de pompage Aristide Dumont, en février 1960.

Février 1960 : Philippe Lamour aux côtés du général de Gaulle pour l'inauguration d'une station de pompage.

Un mois plus tard, Philippe Lamour reçoit même la visite officielle de Nikita Krouchtchev, dirigeant de l'URSS ayant succédé à Staline.

Mars 1960. Philippe Lamour recevant la visite de Nikita Krouchtchev

A partir des années 70, sonne l'heure du retrait et de la prise de recul pour Philippe Lamour. Il reprend sa vie d'agriculteur avec sa femme Geneviève dans leur propriété du mas de la perdrix, et profite de ses moments de liberté pour rédiger son autobiographie, intitulée "Le cadran solaire". Cette oeuvre, incisive et perspicace, témoigne de la vie d'un homme ayant traversé trois républiques et croisé de nombreux dirigeants célèbres. Il s'agit d'un best-seller des années 70.

Philippe Lamour décède en 1992 dans le Sud, bien loin de sa Landrecies natale. Cette dernière ne l'a pourtant pas oublié puisque quelques années plus tard, la commune a édifié une bibliothèque à son nom, inaugurée par son épouse.

 

Suite : Jean-Marie Leblanc