Contrairement à ce que pensent
beaucoup, Philippe Lamour n'est pas un homme du Sud mais un homme
du Nord : il naît à Landrecies en 1903 au sein d'une
famille paysanne. Trop jeune pour participer à la première
guerre mondiale, Philippe est libre de poursuivre ses études
et d'obtenir le baccalauréat en 1918. Il se lance alors
dans des études de droit car il ambitionne de devenir avocat.
Du fait de sa nature volontariste et
énergique, il y parviendra sans trop de difficultés
: dès 1924, à vingt ans, il est avocat stagiaire.
On se souviendra, durant l'entre-deux guerres, de sa participation
à quelques grands procès d'assise, notamment à
la fameuse affaire Stavisky au milieu des années 30. C'est
vers cette même époque qu'il rencontre sa femme,
Geneviève. Parallèlement à sa carrière
d'avocat, il exercera souvent une activité occasionnelle
de journaliste.
Son goût pour le journalisme
va notamment le rattraper pendant la guerre d'Espagne (1936-1939).
Il décide de partir là-bas en tant que grand reporter,
et de suivre l'évolution du conflit aux côtés
des Républicains. Philippe Lamour ne cessera alors de dénoncer
le drame en train de se jouer dans ce pays, ainsi que la passivité
coupable des démocraties occidentales.
L'ascension d'Hitler, en Allemagne,
l'inquiète aussi énormément. Il sera un des
rares hommes lucides à se prononcer pour une intervention
immédiate contre la dictature naissante, au risque de passer
pour un belliciste. Ses avertissements resteront bien sûr
lettres mortes : en mai 1940, c'est l'invasion de la moitié
nord du territoire français. Philippe Lamour et sa famille
se réfugient dans une de leurs propriétés
située en zone libre, baptisée "Le mas de la
perdrix", près de Marseille. Pendant les quelques
années de la guerre, les Lamour seront agriculteurs et
cultiveront leurs terres pour s'assurer un revenu minimum.
La fin de la guerre marque le début
du véritable envol pour Philippe Lamour. Il exercera à
cette époque plusieurs activités en parallèle.
Il se lance tout d'abord dans le syndicalisme agricole : peu après
la fin de la guerre, il est élu à la tête
de la Confédération générale de l'agriculture,
et lance ses partisans à l'assaut des pouvoirs publics,
réclamant davantage de moyens et de considération
pour les agriculteurs. Ses réclamations seront entendues
: en 1946, Philippe Lamour est fier de piloter la première
moissonneuse-batteuse de France. La révolution agricole
est en marche.
Cette activisme syndical ne l'empêche
pas d'assurer des fonctions importantes au sein de l'Etat : à
la Libération, on le nomme commissaire adjoint de la République,
ce qui lui permet de collaborer avec Jean Monnet à la reconstruction
du pays. C'est sous ce titre qu'il a l'idée de créer
la toute première des "appellations d'origine contrôlée"
: en 1947, avec la participation de Tanguy-Prigent, ministre de
l'Agriculture, il fonde en effet la catégorie des vins
de qualité supérieure.
Ce n'est que dans les années
50 et les années 60 que Philippe Lamour réalise
la grande oeuvre de sa vie : l'aménagement du territoire
dans le Languedoc et les Alpes du Sud. Ses réalisations,
qui ont changé le visage de plusieurs régions, sont
innombrables. On peut retenir entre autres la maîtrise de
l'hydrologie dans le Sud-Est, l'assainissement des côtes
marécageuses du Languedoc, l'aménagement agricole
de la Camargue (notamment le développement des cultures
rizicoles)... Autant d'éléments qui font de lui
le patron de l'aménagement du territoire dans tout le Midi,
et qui lui font côtoyer les plus grands : il est l'interlocuteur
privilégié du général de Gaulle lors
de l'inauguration de la station de pompage Aristide Dumont, en
février 1960.
Un mois plus tard, Philippe Lamour
reçoit même la visite officielle de Nikita Krouchtchev,
dirigeant de l'URSS ayant succédé à Staline.
A partir des années 70, sonne
l'heure du retrait et de la prise de recul pour Philippe Lamour.
Il reprend sa vie d'agriculteur avec sa femme Geneviève
dans leur propriété du mas de la perdrix, et profite
de ses moments de liberté pour rédiger son autobiographie,
intitulée "Le cadran solaire". Cette oeuvre,
incisive et perspicace, témoigne de la vie d'un homme ayant
traversé trois républiques et croisé de nombreux
dirigeants célèbres. Il s'agit d'un best-seller
des années 70.
Philippe Lamour décède
en 1992 dans le Sud, bien loin de sa Landrecies natale. Cette
dernière ne l'a pourtant pas oublié puisque quelques
années plus tard, la commune a édifié une bibliothèque à son nom,
inaugurée par son épouse.