V) Le lourd poids du passé (1794 - aujourd'hui)

Inauguration de la statue de Dupleix (cf rubrique Grands Landreciens) sur la place de l'Hotel de Ville, en 1888...

Tout au long des deux derniers siècles, Landrecies a tâché de prendre enfin un peu de recul par rapport à son identité de ville militaire. Elle sera malheureusement souvent rattrapée par son passé...

L'histoire des sièges de Landrecies ne s'arrête pas avec 1794 et l'occupation autrichienne : la ville devra encore faire face à quatre invasions étrangères jusqu'à aujourd'hui.

La première a lieu en 1815, alors que la coalition des Etats européens arrive à bout de Napoléon. La défaite de l'empereur se solde en effet par une occupation du territoire français. A Landrecies, ce sont les Prussiens tout d'abord qui sont en charge de l'administration de la ville. La sauvagerie impitoyable des occupants est restée dans toutes les mémoires : destructions, exécutions sommaires des suspects... Heureusement les Prussiens laissent assez vite la place à une garnison russe, dont on garde un meilleur souvenir.

Après cet épisode tragique, Landrecies consacre le XIXème siècle à sortir un peu de son carcan militaire, notamment en améliorant les voies de communication. La Sambre est jugée peu navigable pour les navires modernes, plus gros qu'autrefois : on décide donc de canaliser ou de dévier par endroits la rivière en amont et en aval, afin de faciliter l'accès à l'Oise. Cette opération d'importance s'étend de 1826 à 1839, et c'est de cette époque que date la distinction entre le "canal" et ce qui reste de la "vieille Sambre".

La nouvelle 'Sambre canalisée'...

En 1855, c'est un nouvel espoir d'ouverture pour Landrecies puisque la nouvelle ligne de chemin de fer entre Paris, Bruxelles et Amsterdam passe par la petite ville. Une gare est construite au-delà des remparts de la Ville basse et n'a pas changé d'emplacement depuis.

La guerre franco-allemande de 1870-71, pourtant, rappelle douloureusement à Landrecies son rôle de place forte. En 1871, elle est encerclée par les troupes de Bismarck : le dernier siège de la ville pouvait commencer. Après quelques bombardements, la ville se rend et subit l'occupation allemande pendant plusieurs mois, comme d'ailleurs une bonne partie du reste de la France. Cependant les destructions de 1871 ne sont pas excessives.

La fin du XIXème siècle, c'est aussi la grande époque de la seconde révolution industrielle. Les Landreciens sentent de plus en plus à quel point leurs remparts sont un obstacle au développement économique. C'est pourquoi ils ne s'opposent pas trop à la "loi de démantèlement" signée en 1894 par le gouvernement : comme son nom l'indique, cette loi prévoit d'abattre les remparts de la ville. Ce qui sera fait de 1895 à 1899. Landrecies avait cessé d'être une place forte.

La destruction des remparts permet le tracé de nouvelles rues plus larges. Ici, la ville basse.

Certains pensent qu'en perdant ses remparts, Landrecies aurait perdu son âme. Sur le moment, pourtant, le démantèlement entraîne nombre d'innovations : création de nouvelles artères à l'ancien emplacement des remparts (comme le Bd des Résistants près du lycée, le Bd André Bonnaire le long du centre socio-culturel...), ce qui aère agréablement une cité autrefois renfermée sur elle-même. Sans oublier la création de nouveaux quartiers résidentiels ou industriels au-delà des anciennes limites de Landrecies.

En fait, si la ville a pu perdre son âme, c'est bien plutôt à cause des immenses destructions subies pendant la première guerre mondiale. Cette dernière avait pourtant commencé héroïquement pour les Landreciens : les 25 et 26 août 1914, la bataille de Landrecies permettait aux troupes anglaises du général French d'échapper à un encerclement par l'ennemi et de sauver leur peau. Les Allemands, une fois la ville occupée le 26, firent payer cher aux Landreciens cet acte de patriotisme : à l'instar de leurs ancêtres prussiens de 1815, les destructions et exécutions sommaires allèrent bon train.

Début novembre 1918, les Allemands savent la défaite toute proche : les troupes anglaises du général Sir Ronald Charles progressent inexorablement vers Landrecies. En désespoir de cause, ils pointent leurs canons vers la Ville haute et anéantissent le centre. Tout un patrimoine architectural (dont l'ancien hôtel de ville) est perdu à jamais, sans parler des victimes. Le 4 novembre, Sir Ronald Charles, au prix de lourdes pertes, délivre des Landreciens reconnaissants (une plaque commémorative est érigée) mais traumatisés. La croix de guerre de la première guerre mondiale sera décernée à la commune.

Deux soldats allemands prennent la pose devant le QG landrecien des forces d'occupation, pendant la Grande Guerre

Landrecies, malgré tant de destructions antérieures, ne se relèvera jamais vraiment de celle de 1918, au sens où elle peine par la suite à se refaire une identité. Ce qui ne l'empêchera pas de devenir pendant la seconde guerre mondiale le centre principal de la résistance dans la région d'Avesnes.

La ville, en effet, prise par les troupes de Rommel le 17 mai 1940, avait un sérieux compte à régler avec les Allemands (cf 1815, 1871, 1914-18). Les résistants seront donc particulièrement actifs dans la commune, de même que la répression en retour. On se souvient notamment de la dramatique histoire des époux Godart. Henri et Hermance Godart habitaient une ferme au hameau d'Happegarbes : soupçonnés (sans doute à juste titre) d'actes de résistance, Henri fut fusillé dans sa ferme le 8 janvier 1944 et Hermance mourut en déportation... Aujourd'hui, une place de Landrecies porte leur nom, et un mémorial, dédié à eux ainsi qu'à tous les autres résistants landreciens, fut érigé en bordure de la Grand'Rue.

Landrecies fut libérée le 2 septembre 1944 par les Américains. La croix de la guerre de la seconde guerre mondiale lui sera aussi décernée. La ville compte donc en tout trois décorations.

Pour un tableau contemporain de Landrecies, merci de vous reporter aux rubriques suivantes.