III) Habsbourg d'Autriche et
Habsbourg d'Espagne (1482 - 1655)
De 1482 à 1655 s'étend
une période extrêmement rude pour la commune de Landrecies.
Cette dernière, aux mains des Habsbourg d'Autriche, puis
des Habsbourg d'Espagne à partir de 1556, est régulièrement
attaquée par la France qui rêve d'en prendre enfin
le contrôle. Elle n'y parviendra qu'en 1655, après
avoir fait subir à Landrecies 7 sièges et 2 destructions
en moins de 200 ans !
Les attaques de la France s'organisent
en deux grandes vagues. La première, de loin la plus féroce,
va de 1521 à 1545. Landrecies fait les frais de la rivalité
entre François 1er et Charles Quint. La deuxième
s'étend de 1636 à 1655, et s'explique par la volonté
de Richelieu, puis de Louis XIV, de conquérir cette place
forte.
A Landrecies, comme dans tous les Pays-Bas
(qui comprenaient alors en gros la Hollande, la Belgique et le
département du Nord), le mécontentement est grand
de voir s'installer un prince étranger. Au début,
Maximilien tente de régner par lui-même, mais la
révolte gronde dans les Flandres et le Hainaut. L'archiduc,
voulant amadouer les populations, accorde par exemple aux Landreciens
une seconde foire annuelle en 1483, cette fois à la mi-carême.
Cela ne suffit pas à apaiser les tensions, comme partout
ailleurs dans les Pays-Bas.
En 1519 c'est le soulagement : Maximilien
vient de mourir. On espère alors fiévreusement à
Landrecies que les Pays-Bas vont sortir de la maison d'Autriche
et revenir à un dignitaire local, comme au temps déjà
bien lointain des seigneurs d'Avesnes et des comtes de Hainaut.
Malheureusement la couronne revient au petit-fils de Maximilien,
qui exerçait déjà la régence depuis
4 ans. Un certain Charles de Habsbourg. Qui prend bientôt
le nom de Charles Quint...
On connaît l'histoire de Charles
Quint et son destin exceptionnel : de 1515 à 1519, il accumule
par différents héritages les couronnes des Pays-Bas,
de Castille, d'Aragon, de Naples et de Sicile, dont dépendent
en plus de vastes colonies au Nouveau-Monde. Bref, c'est le maître
d'un gigantesque territoire "où jamais le soleil ne
se couche" qui accède au trône du Saint-Empire
en 1519.
Vs.
Une telle bonne fortune suscite bien
sûr la jalousie et l'hostilité de la France, dirigée
alors par François Ier. A partir de 1521, le roi multiplie
les attaques contre l'Empire. De par sa proximité avec
la frontière française, Landrecies se révèle
une cible de choix. La première attaque a lieu en 1521,
sous le commandement du duc de Vendôme, un grand militaire
au service de François Ier.
Vendôme est un vrai soldat :
il aime le travail bien fait. Aussi lorsqu'il réussit à
prendre la petite cité après quelques jours de siège,
il la brûle entièrement. Eh oui, encore... Les troupes
de Charles Quint réussissent à repousser les Français,
mais le mal est fait : une bonne part de Landrecies est en cendres.
Les habitants, soutenus par l'armée de l'Empereur, entreprennent
de reconstruire la ville et ses remparts aussi vite que possible
pour faire face à d'éventuelles nouvelles attaques.
Et effectivement elles ne tardèrent
pas. François Ier revint quelques années plus tard
effectuer un second siège, qui fut sans effet et en tout
cas moins dramatique que le premier. En revanche il en va tout
autrement en 1543. A cette date François Ier, à
la tête de son armée, se dirige vers la petite place
forte afin d'entamer un troisième siège. Les défenses
de la ville faiblissent progressivement et tout porte à
croire que la prise est proche. C'est alors que les Landreciens,
exaspérés par les anciennes exactions françaises
de Louis XI et Vendôme, brûlent la ville eux-mêmes
plutôt que de laisser ce soin au roi de France !!
C'est donc dans une cité à
nouveau en ruines que pénètre François Ier
: une bien amère victoire pour ce souverain habitué
aux batailles glorieuses... Cela ne le décourage pourtant
pas : il ordonne immédiatement la reconstruction de la
ville et surtout des remparts, car il s'agit maintenant de se
protéger contre une éventuelle contre-attaque de
Charles Quint.
Ainsi, c'est en 1543 et en 1544 que
Landrecies se dote pour la première fois de remparts modernes,
adaptés aux nouveaux armements comme l'artillerie. Les
nouvelles murailles de la place forte ont tôt fait de prouver
leur efficacité : dès 1544, Charles Quint fait le
siège de la commune pour tenter de la reprendre, sans succès.
L'empereur opte donc finalement pour
la négociation. En septembre 1544, le traité de
Crépy-en-Laonnois est signé entre les deux adversaires
: il stipule que Landrecies retourne à Charles Quint, mais
évidemment au prix d'une très forte somme et d'autres
avantages pour la France. Quelques jours plus tard, les troupes
de l'Empereur se présentent devant la commune. On ouvre
les portes et, en grande cérémonie, le duc d'Aerschot,
gouverneur de la place, leur remet le commandement. La garnison
royale quitte les lieux. Landrecies n'aura été française
que deux ans. Elle ne le redeviendra pas avant tout un siècle.
Les années passent. Charles
Quint, lassé de tant de pouvoir, abdique en 1556 et se
réfugie au monastère de Yuste en Espagne, où
il meurt deux ans plus tard. Son fils Philippe II, roi d'Espagne,
lui succède et prend le contrôle des Pays-Bas. Etant
donné que Charles Quint était un Habsbourg d'Autriche,
et que son fils est avant tout roi d'Espagne, c'est à cette
époque que Landrecies et les Pays-Bas passent à
la branche espagnole des Habsbourg.
Ce roi s'est caractérisé
par son absolutisme impitoyable et son intolérance vis-à-vis
de la nouvelle religion protestante. Suite à des répressions
excessives, la population landrecienne se révolte en 1568,
de concert avec l'ensemble du Hainaut, de la Flandre, de l'Artois
mais surtout de la Hollande et de la Zélande, plus au nord.
La rébellion dure dix années. En 1579, les provinces
du sud des Pays-Bas, dont Landrecies fait partie, se soumettent
finalement à nouveau aux Espagnols, tandis que les provinces
les plus au nord font sécession, et fondent la Hollande
actuelle.
Les difficultés de l'Espagne
ne viennent pas seulement des populations en elles-mêmes,
mais aussi du voisin français, qui n'a pas abandonné
l'idée de reconquérir un jour le territoire landrecien
cédé en 1544 à prix d'or. Le sentiment anti-espagnol
se développe particulièrement en France à
partir de 1624, lorsque le cardinal de Richelieu devient le tout-puissant
premier ministre du roi Louis XIII. La politique extérieure
du cardinal, en effet, est simple : affaiblir à tout prix
la famille Habsbourg.
En 1635, Richelieu use de son influence
pour pousser à déclarer la guerre à l'Espagne.
La première année de campagne (1636) est catastrophique
: les Espagnols envahissent le nord du royaume à partir
des Pays-Bas et descendent jusqu'à Corbie, dans la Somme.
La population française se met à gronder contre
ce Richelieu qui a entraîné la France dans la tourmente.
Voilà pourquoi Richelieu n'a
plus le droit à l'erreur pour la campagne de 1637. Il remet
le commandement de l'armée du nord à un de ses plus
fidèles serviteurs, le cardinal de La Valette, avec un
ordre simple : rattraper le terrain perdu, puis passer la frontière
et prendre Landrecies.
Le cardinal de La Valette se met donc
en route, direction Landrecies. Doué d'un vrai talent militaire,
il reconquiert beaucoup de places fortes perdues l'année
précédente, et arrive devant les murailles de Landrecies
en juillet. Le siège dure plusieurs jours. Enfin, la garnison
espagnole hisse le drapeau blanc : Landrecies capitule. Les troupes
du cardinal de La Valette entrent triomphalement dans la petite
cité vaincue.
A Paris, la joie de Richelieu est grande
lorsqu'il apprend la nouvelle. Elle sera malheureusement de courte
durée. En 1647, en effet, la guerre n'est toujours pas
terminée. Les Espagnols veulent frapper un coup d'éclat
, et choisissent de mettre le siège devant Landrecies,
qu'ils avaient perdu dix ans auparavant. Cette tentative sera
couronnée de succès : les Espagnols réussissent
à reprendre la place forte et à en chasser les Français.
Ainsi, après une première occupation française
d'à peine un an (1543 - 1544), la deuxième n'aura
duré que dix ans.