III) Habsbourg d'Autriche et Habsbourg d'Espagne (1482 - 1655)

Maximilien 1er, archiduc d'Autriche (1459-1519)

De 1482 à 1655 s'étend une période extrêmement rude pour la commune de Landrecies. Cette dernière, aux mains des Habsbourg d'Autriche, puis des Habsbourg d'Espagne à partir de 1556, est régulièrement attaquée par la France qui rêve d'en prendre enfin le contrôle. Elle n'y parviendra qu'en 1655, après avoir fait subir à Landrecies 7 sièges et 2 destructions en moins de 200 ans !

Les attaques de la France s'organisent en deux grandes vagues. La première, de loin la plus féroce, va de 1521 à 1545. Landrecies fait les frais de la rivalité entre François 1er et Charles Quint. La deuxième s'étend de 1636 à 1655, et s'explique par la volonté de Richelieu, puis de Louis XIV, de conquérir cette place forte.

A Landrecies, comme dans tous les Pays-Bas (qui comprenaient alors en gros la Hollande, la Belgique et le département du Nord), le mécontentement est grand de voir s'installer un prince étranger. Au début, Maximilien tente de régner par lui-même, mais la révolte gronde dans les Flandres et le Hainaut. L'archiduc, voulant amadouer les populations, accorde par exemple aux Landreciens une seconde foire annuelle en 1483, cette fois à la mi-carême. Cela ne suffit pas à apaiser les tensions, comme partout ailleurs dans les Pays-Bas.

En 1519 c'est le soulagement : Maximilien vient de mourir. On espère alors fiévreusement à Landrecies que les Pays-Bas vont sortir de la maison d'Autriche et revenir à un dignitaire local, comme au temps déjà bien lointain des seigneurs d'Avesnes et des comtes de Hainaut. Malheureusement la couronne revient au petit-fils de Maximilien, qui exerçait déjà la régence depuis 4 ans. Un certain Charles de Habsbourg. Qui prend bientôt le nom de Charles Quint...

On connaît l'histoire de Charles Quint et son destin exceptionnel : de 1515 à 1519, il accumule par différents héritages les couronnes des Pays-Bas, de Castille, d'Aragon, de Naples et de Sicile, dont dépendent en plus de vastes colonies au Nouveau-Monde. Bref, c'est le maître d'un gigantesque territoire "où jamais le soleil ne se couche" qui accède au trône du Saint-Empire en 1519.

Charles V dit Charles Quint, Empereur du Saint-Empire de 1519 à 1556 Vs. François Ier : roi de France de 1515 à 1547

Une telle bonne fortune suscite bien sûr la jalousie et l'hostilité de la France, dirigée alors par François Ier. A partir de 1521, le roi multiplie les attaques contre l'Empire. De par sa proximité avec la frontière française, Landrecies se révèle une cible de choix. La première attaque a lieu en 1521, sous le commandement du duc de Vendôme, un grand militaire au service de François Ier.

Vendôme est un vrai soldat : il aime le travail bien fait. Aussi lorsqu'il réussit à prendre la petite cité après quelques jours de siège, il la brûle entièrement. Eh oui, encore... Les troupes de Charles Quint réussissent à repousser les Français, mais le mal est fait : une bonne part de Landrecies est en cendres. Les habitants, soutenus par l'armée de l'Empereur, entreprennent de reconstruire la ville et ses remparts aussi vite que possible pour faire face à d'éventuelles nouvelles attaques.

Et effectivement elles ne tardèrent pas. François Ier revint quelques années plus tard effectuer un second siège, qui fut sans effet et en tout cas moins dramatique que le premier. En revanche il en va tout autrement en 1543. A cette date François Ier, à la tête de son armée, se dirige vers la petite place forte afin d'entamer un troisième siège. Les défenses de la ville faiblissent progressivement et tout porte à croire que la prise est proche. C'est alors que les Landreciens, exaspérés par les anciennes exactions françaises de Louis XI et Vendôme, brûlent la ville eux-mêmes plutôt que de laisser ce soin au roi de France !!

Cette chaînette, en excellent état de conservation, a été découverte en 2000 à l'occasion de travaux. Il y a tout lieu de penser qu'elle date du siège de 1543 ou de 1544.

C'est donc dans une cité à nouveau en ruines que pénètre François Ier : une bien amère victoire pour ce souverain habitué aux batailles glorieuses... Cela ne le décourage pourtant pas : il ordonne immédiatement la reconstruction de la ville et surtout des remparts, car il s'agit maintenant de se protéger contre une éventuelle contre-attaque de Charles Quint.

Ainsi, c'est en 1543 et en 1544 que Landrecies se dote pour la première fois de remparts modernes, adaptés aux nouveaux armements comme l'artillerie. Les nouvelles murailles de la place forte ont tôt fait de prouver leur efficacité : dès 1544, Charles Quint fait le siège de la commune pour tenter de la reprendre, sans succès.

Aspect des premiers remparts modernes de la Ville haute, vers 1580

L'empereur opte donc finalement pour la négociation. En septembre 1544, le traité de Crépy-en-Laonnois est signé entre les deux adversaires : il stipule que Landrecies retourne à Charles Quint, mais évidemment au prix d'une très forte somme et d'autres avantages pour la France. Quelques jours plus tard, les troupes de l'Empereur se présentent devant la commune. On ouvre les portes et, en grande cérémonie, le duc d'Aerschot, gouverneur de la place, leur remet le commandement. La garnison royale quitte les lieux. Landrecies n'aura été française que deux ans. Elle ne le redeviendra pas avant tout un siècle.

Les années passent. Charles Quint, lassé de tant de pouvoir, abdique en 1556 et se réfugie au monastère de Yuste en Espagne, où il meurt deux ans plus tard. Son fils Philippe II, roi d'Espagne, lui succède et prend le contrôle des Pays-Bas. Etant donné que Charles Quint était un Habsbourg d'Autriche, et que son fils est avant tout roi d'Espagne, c'est à cette époque que Landrecies et les Pays-Bas passent à la branche espagnole des Habsbourg.

Philippe II, roi d'Espagne de 1556 à 1598

Ce roi s'est caractérisé par son absolutisme impitoyable et son intolérance vis-à-vis de la nouvelle religion protestante. Suite à des répressions excessives, la population landrecienne se révolte en 1568, de concert avec l'ensemble du Hainaut, de la Flandre, de l'Artois mais surtout de la Hollande et de la Zélande, plus au nord. La rébellion dure dix années. En 1579, les provinces du sud des Pays-Bas, dont Landrecies fait partie, se soumettent finalement à nouveau aux Espagnols, tandis que les provinces les plus au nord font sécession, et fondent la Hollande actuelle.

Les difficultés de l'Espagne ne viennent pas seulement des populations en elles-mêmes, mais aussi du voisin français, qui n'a pas abandonné l'idée de reconquérir un jour le territoire landrecien cédé en 1544 à prix d'or. Le sentiment anti-espagnol se développe particulièrement en France à partir de 1624, lorsque le cardinal de Richelieu devient le tout-puissant premier ministre du roi Louis XIII. La politique extérieure du cardinal, en effet, est simple : affaiblir à tout prix la famille Habsbourg.

En 1635, Richelieu use de son influence pour pousser à déclarer la guerre à l'Espagne. La première année de campagne (1636) est catastrophique : les Espagnols envahissent le nord du royaume à partir des Pays-Bas et descendent jusqu'à Corbie, dans la Somme. La population française se met à gronder contre ce Richelieu qui a entraîné la France dans la tourmente.

Cardinal de Richelieu, Premier Ministre 'envahissant' de Louis XIII de 1624 à 1642.

Voilà pourquoi Richelieu n'a plus le droit à l'erreur pour la campagne de 1637. Il remet le commandement de l'armée du nord à un de ses plus fidèles serviteurs, le cardinal de La Valette, avec un ordre simple : rattraper le terrain perdu, puis passer la frontière et prendre Landrecies.

Le cardinal de La Valette se met donc en route, direction Landrecies. Doué d'un vrai talent militaire, il reconquiert beaucoup de places fortes perdues l'année précédente, et arrive devant les murailles de Landrecies en juillet. Le siège dure plusieurs jours. Enfin, la garnison espagnole hisse le drapeau blanc : Landrecies capitule. Les troupes du cardinal de La Valette entrent triomphalement dans la petite cité vaincue.

A Paris, la joie de Richelieu est grande lorsqu'il apprend la nouvelle. Elle sera malheureusement de courte durée. En 1647, en effet, la guerre n'est toujours pas terminée. Les Espagnols veulent frapper un coup d'éclat , et choisissent de mettre le siège devant Landrecies, qu'ils avaient perdu dix ans auparavant. Cette tentative sera couronnée de succès : les Espagnols réussissent à reprendre la place forte et à en chasser les Français. Ainsi, après une première occupation française d'à peine un an (1543 - 1544), la deuxième n'aura duré que dix ans.

Landrecies ne sera-t-elle donc jamais française ?

 

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